NEUVY-PAILLOUX :
UN PEU D'HISTOIRE
Article sur les seigneurs de Neuvy-Pailloux
Origines de la construction de l'église romane.
Lorsqu'au mois de mai 1218 Guillaume de Chauvigny créa la seigneurie
de Neuvy-Pailloux au profit de son frère André, l'église romane était
construite depuis déjà une centaine d'années. La seigneurie ainsi créée
comprenait les paroisses de Coings et de Notz.
Quelles furent les raisons qui poussèrent les seigneurs de Châteauroux
à faire de Neuvy-Pailloux le centre d'une seigneurie aussi étendue ? Un
coup d'œil sur la carte suffit pour s'apercevoir que le bourg de Neuvy-Pailloux
était excentré à l'extrême par rapport à ce territoire. L'une des raisons
fut peut-être que ce bourg possédait le seul ensemble fortifié pouvant
suffire à l'époque à tenir en respect d'éventuels assaillants.
La construction de l'église remonte donc au début du XIIème siècle ou
même à la fin du XIème. En 1115, une bulle du pape Pascal II confirma
le patronat de l'Abbaye de Déols sur la paroisse de Neuvy-Pailloux. Les
similitudes dans la façon de travailler la pierre et les moyens financiers
nécessaires indiquent assez clairement que cette abbaye fut à l'origine
de cette construction, comme de celle d'autres églises du Berry. (…)
Description des bâtiments.
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L'église romane de Neuvy-Pailloux comprenait une abside,
un chœur, un avant-chœur, une nef et un clocher sur le côté nord de la
nef. Un bâtiment annexe longeant le chœur et l'avant-chœur fut ajouté
peu de temps après. C'est celui que la tradition locale nomme la crypte
et qui était peut-être en effet la crypte seigneuriale. De cet ensemble,
seule la nef a été démolie au XIXème siècle.
Le clocher était une solide tour carrée percée de meurtrières sur les
deux pans tournés vers l'enceinte extérieure. Il est orné de fenêtres
remarquables. Sa restauration a eu lieu vers 1950. Comme l'ensemble de
l'église, il faisait partie intégrante des fortifications.
De hauts murs partant de l'angle du clocher rejoignaient le château qui
comportait un corps de logis principal, une aile, cinq tours et deux bâtiments
annexes. Des fossés sans eau complétaient le dispositif. Il y avait deux
entrées principales, l'une extérieure donnant sur le fossé au nord-est,
flanquée de deux tours et munie d'un pont-levis, l'autre intérieure entre
le clocher et l'aile du château. Une des tours et un bâtiment annexe (la
bergerie) furent démolis en 1974. La maison et le mur jouxtant la crypte
étaient encore visibles il y a quelques dizaines d'années.
La construction du château actuel date du XVème ou XVIème siècle ; nous
ne connaissons pas l'apparence de l'enceinte primitive. Le clocher fortifié
du XIIème et la configuration du site laissent penser que sa position
était proche de celle que nous observons actuellement. En effet, le bourg
est établi sur un contrefort du plateau supérieur qui domine la vallée
de la Vignole. Le château est assis sur une légère éminence d'où l'on
peut contrôler l'ensemble du marais qui, au Moyen Age, était très étendu
puisqu'il venait border les fermes des Gloux et des Épinettes. Du clocher,
il était possible d'apercevoir tout le terrain jusqu'à l'ancien grand
chemin (voie romaine) allant de Déols à Issoudun, à mi-côte de Villefavent.
L'abbé Lamy qui écrivait en 1868 disait avoir vu "des fondations de tour
avec souterrain qui aboutit au fond, semblant indiquer que l'édifice actuel
a remplacé une fortification beaucoup plus ancienne". Il précise que les
fossés avaient six mètres de profondeur.
Une galerie souterraine avec arcs doubleaux, de construction soignée,
était encore visible en 1970, quand on établit les fondations de la nouvelle
église. D'autres souterrains sont apparus ici et là…
Au Moyen Age, quelques maisons de torchis et de bois sont disséminées
autour de l'enceinte fortifiée. En bas de la Rochefolie, une certaine
activité règne auprès de l'entrée des carrières de pierres. Plus loin
dans la plaine et sur le plateau de Villefavent, les domaines agricoles
émaillent le paysage de leurs toits de tuiles et de chaumes. La trilogie
habituelle domine : céréales, élevage, vigne, à laquelle il faut ajouter
le marais dont les eaux scintillent dans la vallée. Sur l'autre versant
de celle-ci se dressent les bâtiments de la seigneurie de Chézal-Garnier.
Visite de Mgr de La Rochefoucauld.
L'église romane traversa les siècles.
Nous la retrouvons en 1736 car cette année-là l'archevêque de Bourges
fit sa visite pastorale dans les paroisses de la région. Mgr Frédéric-Jérôme
de Roye de La Rochefoucauld était un grand seigneur, ce qui ne l'empêchait
pas d'être accessible aux humbles et de s'occuper sérieusement de son
diocèse. Entre 1732 et 1738, il visita la totalité de ses paroisses, malgré
l'état des chemins.
Mgr de La Rochefoucauld arriva à Neuvy-Pailloux le 21 mai 1736, vers 8
heures du matin. Après avoir accompli ses devoirs pastoraux, il examina
l'état des bâtiments et laissa des instructions sur les travaux à entreprendre
pour que l'édifice soit remis en état de satisfaire au culte divin. Plusieurs
documents nous sont parvenus sur cette visite. L'archevêque observa "que
la couverture du chœur est en bien mauvais état, que les grandes portes
sont pourries par le bas, que les murs de la nef ont besoin d'être rempierrés
au dehors, que le pavé du chœur, et encore plus de la nef, sont en très
mauvais état…"
L'après-midi, l'archevêque se rendit à Montierchaume.
De la Révolution à l'Empire.
(...) En 1794, l'église était devenue le "temple de l'Être
Suprême", selon les décrets de Robespierre. Le 15 floréal an II (4 mai),
une grêle épouvantable ravagea une partie de la France. Les archives des
communes relatent les délibérations municipales qui furent prises pour
demander des dégrèvements d'impôts. A Neuvy-Pailloux, des habitants du
pays ont raconté que ce jour-là, les Jacobins étaient réunis dans l'église-temple
lorsque la tempête éclata avec une si grande fureur qu'elle brisa une
partie de la toiture sur le flanc droit de l'église. (…)
Le temps passait et les représentants de Neuvy-Pailloux ne pouvaient se
résoudre à effectuer les dépenses nécessaires. Dans une délibération municipale
de 1804, on relève ceci : "Les pierres du pignon se détachent en grande
quantité des fonts baptismaux, les encoignures et les contreforts de ce
pignon sont lézardés et se détachent de la masse ; le pignon qui s'élève
entre le chœur et la nef se trouve en aussi mauvais état que le premier
et il faut les refaire jusqu'à la moitié, les lambris de la voûte sont
déformés, pourris et tombent par morceaux, la toiture de l'église est
ou pourrie ou déformée d'un côté par la grêle, le vent et la pluie y passent
à l'aise ; la voûte du chœur en pierre est verdie complètement par les
infiltrations, le clocher étant entièrement découvert, la charpente qui
soutient l'unique cloche menace de s'effondrer, enfin on avoue que devant
la menace continuelle de quelque accident, il faut expédier promptement
les offices religieux."
Aménagements de l'église et du bourg au cours du XIXème siècle.
Les réparations effectuées en 1809 eurent certes le mérite
de permettre l'exercice du culte dans des conditions acceptables. Mais
il semble que le bâtiment, surtout la nef, avait trop souffert pour résister
longtemps sans de nouveaux travaux. A partir de 1840, la persistance du
problème est évoquée dans les comptes-rendus de la Fabrique.
Divers aménagements interviennent : le 28 février 1858, l'abbé d'Arassus
installe solennellement les 14 tableaux du chemin de Croix. En 1859, il
est construit une tribune au fond de l'église pour y placer les enfants
qui n'ont pas encore fait leur première communion. La même année, la Fabrique
acquiert un tableau représentant saint Laurent. En 1861, la grosse cloche
est refondue. Elle a pour parrain M. Pierre Richard-Desaix, maire, pour
marraine Mme Louise Desjobert, épouse de M. Magnard du Vernay. En 1881,
il est fait l'acquisition d'un harmonium.
Dans le bourg, la Municipalité fait construire la "maison d'école", près
de l'église, en 1845. Une souscription est ouverte par la Fabrique en
1850 pour les "grandes dépenses qu'exige l'intérieur de l'église", disant
"que malgré la bonne volonté du conseil municipal, il lui répugne d'invoquer
l'art. 92 à 103 du décret sur les fabriques et la loi du 18 juillet 1837
qui obligent les communes à venir au secours des fabriques, lorsque ces
établissements manquent de fonds, attendu que la commune est non seulement
sans ressources mais que les centimes additionnels sont absorbés jusqu'en
1852 tant par les construction d'une maison d'école et d'un pont, que
par l'acquisition d'une pompe à incendie et de son matériel". (…)
Décision de construire une église neuve.
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Dans les années 1860, il devient de plus en plus évident
que l'état de l'église est préoccupant. Il y règne en particulier une
humidité incoercible. Pourtant, c'est un événement imprévu qui va précipiter
les choses et décider les habitants à une nouvelle construction. Saint
Laurent en fut la cause, où plutôt le grand tableau le représentant acquis
en 1859. Sa chute, le 29 janvier 1881 avant l'office, fut attribuée à
la vétusté du bâtiment. Deux jours après, les responsables se réunirent
et décidèrent la construction d'une nouvelle église. (…)
L'architecte du département, M. Henri Dauvergne, établit les plans d'un
grand édifice de style roman-bourguignon. Celui-ci comprenait un chœur,
un transept avec deux chapelles, une nef, une sacristie.
Les travaux commencèrent doucement. Comme l'église romane était toujours
en service, on commença par construire les quatre travées arrières de
la nef, sur les six prévues. On en était là en 1887, lorsque las d'attendre
que le chantier reprenne, on décida d'emménager dans ce morceau d'église,
le chœur roman restant en annexe. L'abbé Pinon, curé de la paroisse, bénit
cette partie d'église le 15 mai 1887.
En 1893, les membres de la Fabrique s'émeuvent ouvertement de ce que l'on
risque bien d'en rester à cette situation. A l'occasion d'une demande
de subvention à l'État, ceux-ci parlent de l'appauvrissement de la commune
"par les mauvaises récoltes et surtout par les ravages du phylloxéra qui
a détruit entièrement ses vignobles", disant que "ce tronçon d'église
est un sujet d'humiliation pour la commune de Neuvy-Pailloux." (…)
La fin du siècle voit s'achever la construction de l'église. Le 4 avril
1900, c'est enfin la consécration par l'abbé Millet.
Période contemporaine.
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Le 19 janvier 1908, l'abbé Espirat est nommé curé de
Neuvy-Pailloux. Il laissera la marque d'un homme dévoué à son ministère,
généreux, presque naïf, bien aimé de la population. Il laissera aussi
des notes détaillées sur la vie du village, aide précieuse pour qui veut
connaître cette période. Il restera à la tête de la paroisse jusqu'à sa
mort en 1943. Le chantre était M. Louis Ferrault (de 1862 à 1913). (…)
Pendant ce temps, l'église romane sert d'annexe au domaine du château,
puis de logement.
Le bourg change d'aspect. En 1928, les derniers fossés le long du château
sont comblés par les propriétaires.
Vers 1960, les murs de l'église, en particulier celui du pignon de l'entrée
principale, avaient besoin de réparations. Il semble que le terrain du
côté sud était assez instable. Pendant l'attaque aérienne du 19 juin 1940,
une bombe était tombée à une quinzaine de mètres de la chapelle de sainte
Thérèse, côté mairie, mais ce n'est pas la cause apparente des problèmes
constatés. Quoi qu'il en soit, le Conseil municipal décida en 1965 de
démolir cette église pourtant récente, pour en construire une neuve. (…)
Lorsque les fondations de la nouvelle église furent creusées, des sarcophages
apparurent et une première fouille archéologique fut effectuée, à laquelle
participa activement Édouard Boyer, mon beau-père.
Le 13 décembre 1970 fut célébrée la première messe dans cette église.
Extrait de "Histoire des églises de Neuvy-Pailloux", par Jean-François
Reille, dans le bulletin N° 35/36 : "L'église romane de Neuvy-Pailloux
(36), Journal d'une restauration".
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