LES FOUILLES ARCHEOLOGIQUES
DE L'EGLISE ROMANE DE NEUVY-PAILLOUX

 

Sépulture dans la lumière du soleil

Octobre 1986 : une opération archéologique exhume les sources historiques de Neuvy-Pailloux. La municipalité a entrepris depuis quelques années l'embellissement de l'environnement de l'église du XIIe siècle. Pour revaloriser le bâtiment aujourd'hui désaffecté, il a fallu faire appel aux Monuments Historiques ; la recherche de l'état du XIIe siècle fut donc confiée aux spécialistes du sous-sol que sont les archéologues.
La première tâche a donc été de déterminer quel était exactement l'édifice du XIIe siècle. Le niveau du sol et la base du maître-autel furent retrouvés, des niches et fenêtres furent restituées et différentes anomalies architecturales résolues.
Simultanément, alors que cette opération avançait, étaient collectées les informations historiques que contenait le bâtiment. Contrairement à l'image du début du siècle, l'archéologie n'est plus la recherche du trésor ou la collecte d'objets, mais c'est plutôt la recherche d'un fascinant secret, celui de la vie passée. Ici, l'on est tenté de découvrir la façon dont vivaient et mouraient les premiers habitants de Neuvy-Pailloux.
On dispose maintenant d'une multitude d'informations grâce à la série de sépultures contenues dans l'église à la fin du XVIe et au XVIIe siècle. (…) Ces travaux ont amené aussi à remonter plus loin dans le temps et à découvrir les vestiges de deux édifices religieux antérieurs. (…)

Vue des fouilles

Mais la découverte monumentale la plus extraordinaire vient des fondations de l'église du Haut Moyen âge. En effet, les fondations de l'abside de cette église sont constituées de fragments de stèles funéraires gallo-romaines, réemployés. Parmi eux, trois éléments comportant des motifs sculptés. Le plus intéressant est le visage d'un homme qui a vécu à Neuvy-Pailloux au Haut-Empire. L'on sait donc maintenant que l'origine de ce lieu d'inhumation remonte à l'époque gallo-romaine. Au moment de cette découverte, on a vu briller dans les yeux de tous les bénévoles locaux, le plaisir d'avoir contribué à l'apport de ces stèles au patrimoine local déjà connu.
Outre la reconnaissance architecturale que pourra constituer la restauration de l'église du XIIe et la mise en valeur de ses peintures, une présentation raisonnée du monument pourrait en faire un élément attractif au niveau du tourisme local. Les stèles et le reste du mobilier archéologique, éléments du patrimoine local, motivent donc une nouvelle vocation au bâtiment.

Didier Dubant, article du 24 mai 1987, dans "Neuvy-Pailloux Hier et aujourd'hui" N° 2 (juillet 1987).

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Stèles gallo-romaines

La découverte de fragments de stèles gallo-romaines en position de remplois fut l'un des moments les plus importants de la fouille. Initialement, ces stèles avaient pour fonction de marquer en surface la présence des tombes dans la nécropole. Elles permettaient la commémoration des défunts. Outre leur valeur en temps qu'éléments du patrimoine néopaludéen, ces stèles permettent d'approcher un aspect du cycle de production et de commercialisation d'une carrière gallo-romaine. Une étude minéralogique de ces stèles nous a confirmé leur appartenance à du calcaire Jurassique Bathonien. Ce calcaire oolithique (calcaire formé de multiples grains ronds) est constitué de grains très fins. Il est extrêmement agréable à tailler. Des essais personnels nous ont montré que la taille pouvait être facile et extrêmement rapide. Le gisement le plus proche est à quinze kilomètres de Neuvy-Pailloux, dans la commune d'Ambrault. Ce secteur est connu pour avoir été intensivement utilisé dès l'époque gallo-romaine. Les carrières à ciel ouvert y sont nombreuses mais pour la plupart aujourd'hui comblées. Sur la base d'observations minéralogiques, la pierre utilisée en général dans les constructions gallo-romaines du secteur provient des carrières qui ont fonctionné dans cette commune. Mais l'utilisation intensive de ces mêmes carrières à l'époque médiévale a fait disparaître semble-t-il toute trace d'ateliers.

Extrait de "La nécropole gallo-romaine", par Didier Dubant.

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Poteries

Ces stèles gallo-romaines connurent une reconversion avec l'apparition du christianisme. Sur la face arrière de deux d'entre elles, des symboles paléochrétiens furent gravés. Elles furent donc réutilisées comme couvercles de sarcophages. Ces symboles du christianisme réutilisés dans les fondations de l'église à la fin du VIème siècle remontent au Vème ou VIème siècle.
Ils sont un précieux jalon pour la connaissance de l'évolution du christianisme dans les campagnes berrichonnes. A la fin du IVème siècle, Saint Martin vient à Levroux détruire un important temple païen. Dès le début du Vème, le christianisme se diffuse largement en Berry à Bourges, Clion, Levroux et Déols. Neuvy-Pailloux est à ajouter à cette liste. Une cuve de sarcophage dégagée en position secondaire pourrait dater de la même époque. De forme sub-rectangulaire en calcaire d'Ambrault, sa finition soignée est différente de celle des sarcophages mérovingiens. Elle est réalisée au pic en taille pointée qui parsème irrégulièrement les surfaces, avec creux de percussion, l'extérieur du fond y compris.

Extrait de "Le passage au christianisme", par Didier Dubant.

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Lorsque l'édification d'une nouvelle église fut décidée au XIIème siècle, le bâtiment qui existait déjà fut démonté jusqu'au niveau des fondations. Le tracé initial fut repris mais agrandi encore une fois vers l'Est. A l'inverse des deux édifices antérieurs, celui-ci n'utilise pas de remplois. Il est entièrement construit avec des matériaux neufs.
- Toute l'ossature de l'édifice est constituée par un moyen appareil. Ces blocs proviennent des carrières de calcaire Bathonien d'Ambrault. Ils portent des traces de layures obliques et d'autres de taille en chevrons. L'un porte un jeu de marelle gravé par les ouvriers pendant la pause.
- Le reste du remplissage est constitué de moellons en calcaire local vaguement équarris, portant de légères traces superficielles de rubéfaction. Ces moellons proviennent de réseaux de carrières souterraines qui furent ouverts aux abords du village le long du coteau. Nous avons pu en observer une des sorties lors de travaux. Situé le long du chemin d'accès qui suit le coteau, un puits permettait l'évacuation aisée vers l'église des matériaux extraits.

Extrait de "L'église du XIIème siècle", par C. Dallot, D. Dubant, M. Prieur.

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Le sarcophage du seigneur sous l'autel

Deux inhumations, par leur caractère privilégié et la bonne conservation de la tombe, sont à traiter séparément. La tombe dite du "seigneur" : celui-ci repose dans un sarcophage calcaire trapézoïdal au pied de l'autel. Ce sarcophage installé au XIIème siècle fut donc utilisé pour la dernière fois dans la seconde moitié du XVIIème siècle. En principe, l'enterrement dans les églises a été à maintes reprises déconseillé par l'autorité religieuse sans un réel succès. Des critères étaient imposés à ceux qui souhaitaient s'y faire enterrer :
- y étaient admis de droit, les religieux (prêtres, clercs).
- y étaient admis par leur volonté, ceux qui par leur noblesse en avaient le droit.
- y étaient admis par autorisation de l'évêque et pratique d'un usage ancien : ceux qui par leurs actions, leur mérite, se sont distingués au service de Dieu et de la chose publique.

Extrait de "Les inhumations "ad sanctos" du XVIIème siècle", par Didier Dubant.

Ces quatre extraits sont tirés du numéro spécial "Les fouilles de l'église de Neuvy-Pailloux, 1986-87".

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UNE FEMME CERTAINEMENT IMPORTANTE !

Parmi les sarcophages mérovingiens découverts, se trouvait la sépulture d'une jeune femme du VIIème siècle. De cette tombe trapézoïdale, en calcaire d'Ambrault, ne restait que le fond et la paroi droite.
Au tout début de son dégagement, il a fallu extraire la gangue terreuse qu'elle contenait, et c'est ainsi qu'au fur et à mesure les os de la défunte apparurent.

Quelques perles du collier

Dès ce moment, comme pour toutes les autres sépultures ouvertes, des sentiments de respect, de joie et de curiosité m'envahirent. De plus, cela m'obligeait à passer de la truelle à un matériel plus fin comme le scalpel et les pinceaux.
C'est alors que notre archéologue me demanda de le prévenir lorsque je trouverais des coquilles d'escargots, car cela lui donnerait certaines informations sur l'environnement.
Après avoir écouté cette requête, je me remis au travail. Puis, quelques instants plus tard, je découvris ce qui me parut être un escargot. J'appelai donc Didier. Il s'approcha avec son collègue Daniel Audoux, et, après avoir vu ma découverte, ils me dirent d'un ton ironique : "Des escargots comme celui-là, trouve-nous en plus souvent !". Ainsi, sans le savoir, je venais d'exhumer une grosse perle de verre jaune, blanc et vert. J'étais assez fier de moi car c'était notre première perle.
Mais j'étais loin d'avoir terminé. Travaillant maintenant en fines couches horizontales, une seconde perle se présenta. Comme l'ivresse de la découverte nous gagna tous, on se rassembla autour du sarcophage car on voulait voir. Puis pour aller vite, certains d'entre nous se chargèrent du tamisage, lequel livra plusieurs nouvelles perles.
Je fouillais toujours. J'étais hypnotisé par ces perles tout nouvellement mises au jour et par celles que je sentais présentes. C'est après plusieurs heures de travail que je pus totaliser 26 perles de verre formant un collier autour du cou de la disparue. De plus, nous possédions maintenant une fibule et une bague en bronze. Nous venions de découvrir nos premiers bijoux.

Bague mérovingienne

Sur les lieux mêmes de la fouille, on imagina l'inhumation de cette jeune femme avec toutes ses parures et ses vêtements que tenait la fibule. C'est alors que pour en savoir plus, je demandai à Didier qui cette femme pouvait-elle être ? A cette question, il répondit simplement : "une femme certainement importante !".

Luc GAULUPEAU

Extrait du numéro spécial "Fouilles archéologiques, Neuvy-Pailloux, juillet 1987".

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